Réduire les pertes alimentaires post-récolte dans les chaînes d’approvisionnement de la pêche

Vue d’ensemble

Les secteurs de la pêche et de l’aquaculture dans le monde entier sont essentiels pour la sécurité alimentaire, la nutrition et les moyens de subsistance économiques de milliards de personnes. La dégradation rapide des populations de poissons et les pertes et déchets importants après la récolte dans les chaînes d’approvisionnement de la pêche constituent un défi majeur pour la gestion durable de la pêche. À l’échelle mondiale, les estimations indiquent qu’environ 35 % des prises sont perdues ou gaspillées chaque année. Les facteurs contribuant à ces pertes sont notamment l’insuffisance des installations d’entreposage frigorifique, l’inefficacité des transports, les lacunes technologiques et le manque de formation des travailleurs du secteur de la pêche. Ces problèmes sont aggravés par la fluctuation des demandes du marché et l’insuffisance des cadres réglementaires, qui touchent à la fois les pays développés et les pays en développement. Les efforts visant à atténuer ces pertes sont essentiels pour garantir l’utilisation durable des ressources aquatiques et répondre aux besoins nutritionnels de la population mondiale.

Mesures concrètes à mettre en œuvre

La réduction des pertes de poissons après récolte offre une vaste opportunité de réduire les émissions de gaz à effet de serre évitables, d’améliorer la sécurité alimentaire mondiale et de contribuer à réduire la pression sur les populations de poissons en voie d’épuisement. Plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre par les gouvernements pour réduire de manière significative l’incidence des pertes de poissons :La réduction des pertes de poissons après récolte offre une vaste opportunité de réduire les émissions de gaz à effet de serre évitables, d’améliorer la sécurité alimentaire mondiale et de contribuer à réduire la pression sur les populations de poissons en voie d’épuisement. Plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre par les gouvernements pour réduire de manière significative l’incidence des pertes de poissons:

• Amélioration des pratiques sur les navires de pêche:
  • Imposer des règles strictes en matière de débarquement : introduire une obligation contraignante pour les pêcheurs de veiller à ce que toutes les captures d’espèces soumises à des tailles minimales ou à des quotas soient conservées à bord du navire, débarquées et comptabilisées dans les quotas, sauf lorsqu’elles sont utilisées comme appâts vivants (en fonction du contexte national). Il est essentiel d’inclure des mesures adéquates de suivi, de contrôle et de surveillance.
  • Réglementer les niveaux de rejet : utiliser les directives internationales sur la gestion des prises accessoires et la réduction des rejets, conçues pour aider les organisations nationales et régionales de gestion des pêches à formuler et à mettre en œuvre des mesures appropriées de gestion et de réduction des rejets.
  • Améliorer la capacité de stockage des navires plus petits grâce à des systèmes innovants (par exemple, la compartimentation ou la plastification de la coque extérieure des bateaux en bois pour empêcher l’infiltration de l’eau de mer).
  • Encourager l’utilisation de glace à bord des navires : l’utilisation de la glace pour conserver le poisson et les produits de la pêche est une méthode de manipulation très efficace à bord des navires de pêche. De nombreux grands navires, y compris les bateaux de pêche artisanale comme les grandes pirogues, les vedettes à moteur hors-bord et les grands navires à moteur embarqué d’une longueur maximale de 20 m, bénéficieront de l’utilisation d’une forme de conservation à bord, comme de la glace ou de l’eau de mer réfrigérée. 
• Amélioration des pratiques de transformation :
  • Améliorer l’infrastructure de la chaîne du froid : renforcer les capacités de l’ensemble des pratiques de manipulation et de distribution des aliments qui maintiennent le produit de la pêche à une température appropriée tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
  • Améliorer les techniques de séchage : les séchoirs surélevés permettent de sécher le poisson hors du sol plus rapidement et dans un environnement plus propre, ce qui réduit les pertes et améliore la qualité et le prix. Les conteneurs en plastique perforés peuvent être utiles pour manipuler les petits poissons pélagiques à bord et pendant le transport.
  • Améliorer les normes et les pratiques en matière d’hygiène et de qualité afin de réduire les pertes et les déchets et de préserver la santé des pêcheurs. Établir des procédures opérationnelles normalisées en matière d’hygiène et/ou des comités de gestion locaux dotés d’un mandat et d’un financement du gouvernement.
  • Utiliser les sous-produits/déchets : comme les parures (c’est-à-dire les arêtes et la chair attachée qui restent après avoir tranché les filets de poisson parallèlement à la colonne vertébrale), les viscères ou les abats de poisson (c’est-à-dire les restes autres que les filets de poisson). 
• Amélioration des infrastructures publiques:
  • Tenir compte de la spécificité du contexte et de l’équité pour l’amélioration des infrastructures afin d’éviter les inefficacités et les interventions inefficaces (par exemple, les installations de refroidissement dépendent du combustible mais les coûts du combustible sont prohibitifs ; les grandes installations modernes déplacent et marginalisent les femmes commerçantes qui effectuent traditionnellement des ventes informelles aux populations vulnérables ; ou les solutions numériques ne correspondent pas à la culture numérique de la population).
  • Investir dans des solutions innovantes en matière de post-récolte, de conservation et de numérisation : 
  • Investir dans des solutions hors réseau basées sur les énergies renouvelables. Par exemple pour la chaîne du froid et la transformation, au niveau communautaire (fabrication de glace, entrepôts frigorifiques et séchoirs). 
  • Renforcer la fourniture, le financement, la gestion et l’entretien des infrastructures, de la logistique, des technologies et des services, en accord avec les priorités nationales, par le secteur public ou les partenariats public-privé. Ces activités devraient être axées sur les zones où la pauvreté multidimensionnelle est très répandue:  
    • Les infrastructures essentielles comprennent des centres de débarquement du poisson modernes et bien conçus, des ports, des établissements de transformation, des installations de commercialisation facilement accessibles par la route, ainsi qu’un approvisionnement énergétique fiable.
    • Les services essentiels sont l’eau portable, l’électricité, la glace, l’inspection des poissons et les services de vulgarisation, ainsi que d’autres services publics (par exemple l’inspection de la santé environnementale et la gestion des marchés).
    • Amélioration des routes et des services de transport.
    • Bonnes pratiques de gestion.
• Amélioration de l’accès au marché pour les producteurs, avec un accent particulier sur les bénéfices pour les zones où la pauvreté multidimensionnelle est répandue: 
  • Stratégies d’accès au marché et d’amélioration de la qualité.
  • Certification de qualité. 
  • Une valorisation inclusive peut améliorer la qualité des produits et leur facilité d’utilisation, ce qui permet de réduire considérablement les pertes et gaspillages alimentaires tout en offrant des avantages plus équitables à l’ensemble des parties prenantes.
  • Amélioration de l’accès au financement. Un accent particulier devrait être mis sur l’amélioration de l’accès au financement pour les groupes à faibles revenus et marginalisés. Les interventions de soutien peuvent inclure:
    • Des facilités de prêt établies par le gouvernement qui requièrent des garanties minimales. 
    • Financement direct des entreprises de transformation du poisson par les institutions de microfinance et les banques avec des options de remboursement adaptées. 
    • Formation à la gestion financière et commerciale.
    • Les associations villageoises d’épargne et de crédit et les banques qui peuvent particulièrement bénéficier aux femmes.
  • Faciliter les échanges transfrontaliers.
  • Compétences et connaissances liées aux pratiques de manipulation, de transformation et de commercialisation.
  • Accès et utilisation de la technologie ou de l’équipement. Par exemple, l’utilisation de téléphones portables et d’autres solutions informatiques pour effectuer des transactions et rendre la distribution et la commercialisation plus efficaces.

Mesures de gouvernance

• Adoption d’une stratégie nationale de réduction des pertes et des déchets alimentaires:
  • La stratégie doit comprendre des mesures de prévention et de réduction des pertes de poissons à l’intérieur des frontières nationales, notamment des programmes, des politiques, des pratiques, des incitations et/ou des mesures connexes visant à influencer les actions des communautés de pêcheurs, des entreprises et des organes politiques.
• Engagement actif des gouvernements, des organisations non gouvernementales, du secteur privé et de la communauté philanthropique dans des plateformes d’investissement pour la chaîne du froid et l’amélioration des infrastructures.
• Augmentation de la recherche et du développement technologiques menés par le secteur privé et public et les universités. Les systèmes alimentaires publics et la recherche halieutique, ainsi que d’autres investissements publics dans les zones rurales, devraient mettre l’accent sur l’obtention de résultats équitables.
• Mettre en place un environnement réglementaire:
  • Lois, règles et réglementations relatives à la capture, à l’élevage, à la manipulation, à la transformation, à la préparation, à l’étiquetage, à la santé et à la sécurité des travailleurs du secteur.
  • Pratiques et règlements locaux pour une mise en œuvre efficace.
• Interventions visant à soutenir les groupes vulnérables dans les chaînes de valeur de la pêche, en particulier les femmes, les pauvres et les jeunes.

Outils et systèmes MRV pour suivre les progrès

Avantages en matière d’atténuation

• La technologie de la chaîne du froid sans impact négatif sur le climat réduit directement les émissions de gaz à effet de serre dues à la consommation d’énergie et aux fuites de réfrigérant associées à l’infrastructure de la chaîne du froid. Voir Réduire les émissions liées à l’utilisation de l’énergie dans le stockage des denrées alimentaires, la chaîne du froid, le transport et la transformation.
• La réduction des pertes de poissons améliore la productivité de la chaîne de valeur, en diminuant la production de poissons nécessaire pour répondre à une demande donnée. Par conséquent, il faut moins de ressources énergétiques pour acheminer le poisson jusqu’au consommateur final, ce qui réduit la charge en carbone de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. La réduction des déchets permet à son tour de diminuer les émissions de méthane associées aux produits en décomposition, invendus ou non consommés.  
• Des recherches récentes suggèrent que les poissons sont une composante essentielle du puits de carbone de l’océan. Au fur et à mesure que les pertes de poissons diminuent, la nécessité d’une surpêche pour répondre à la demande peut s’atténuer. Cela aurait un impact positif sur la reconstitution des stocks de poissons mondiaux ou régionaux, améliorant ainsi le potentiel de piégeage du carbone des océans.

Autres avantages environnementaux

• Réduction de la pollution atmosphérique grâce à la diminution de l’utilisation de combustibles fossiles. En améliorant les systèmes de manutention, de traitement et de distribution après récolte afin de réduire les pertes et les déchets, nous pouvons rendre le système alimentaire aquatique plus efficace. Cette efficacité se traduit par une réduction de la consommation d’énergie et des émissions par unité de nourriture consommée.

Adaptation benefits

La lutte contre les pertes post-récolte peut contribuer à l’adaptation au changement climatique:

• Amélioration de la sécurité nutritionnelle et alimentaire des communautés côtières. Les nutriments comme le calcium, les folates, le fer et la vitamine A sont présents en grandes quantités dans le poisson. Il reste de nombreuses carences en nutriments dans beaucoup de pays en développement. L’amélioration des technologies dans les chaînes d’approvisionnement en poisson, associée à une distribution équitable des produits de la pêche, peut contribuer à lutter contre la malnutrition des femmes et des enfants.
• Les technologies sans impact négatif sur le climat peuvent améliorer la sécurité et la qualité des aliments. Par exemple, les différentes technologies de fumage ont des effets variables sur la rétention nutritionnelle du poisson fumé, et la gestion des aliments pendant la transformation peut avoir une incidence sur la sécurité microbienne du poisson. 

Autres avantages en termes de développement durable

• ODD 1 (pas de pauvreté) : amélioration des revenus des ménages pour les communautés de pêcheurs. 
• ODD 2 (faim « zéro ») : amélioration de la sécurité nutritionnelle et alimentaire des communautés côtières, amélioration de la qualité des aliments et réduction des agents pathogènes d’origine alimentaire.
• ODD 12 (consommation et production responsables) : contribution à la réduction des pertes alimentaires tout au long des chaînes de production et d’approvisionnement.
• ODD 14 (vie aquatique) : diminution de la pression sur les populations halieutiques mondiales et amélioration de la conservation des ressources halieutiques et océaniques.

Principales difficultés liées à la mise en œuvre, externalités potentielles et compromis

• Risques commerciaux (business model) associés aux investissements dans des opérations de réfrigération, d’entreposage frigorifique, de fabrication de glace et de transport frigorifique sans impact négatif sur le climat.
• Fonctionnement technique des technologies de la chaîne du froid et manque de compétences appropriées pour l’entretien des équipements.

Mesures visant à minimiser les défis et à remédier aux externalités potentielles et aux compromis

• Pour améliorer l’utilisation des prises accessoires et les conserver sur les navires, il faut l’adhésion des équipages et des propriétaires de navires, qui sont incités à s’aligner sur une industrie de transformation spécifique qui donne la priorité à une espèce cible. 
• Pour réduire les risques liés aux investissements dans la chaîne du froid : dans les économies en développement, les investissements dans des opérations de chaîne du froid sans impact négatif sur le climat (avec des énergies renouvelables/solutions hors réseau) doivent être dirigés par des membres de la communauté qui sont motivés pour générer des profits et qui peuvent gérer des contrats de soutien. En outre, ces entreprises gérées par le secteur privé doivent reverser les bénéfices à la communauté en utilisant des modèles de partage des bénéfices.  
• Pour réduire les coûts de maintenance de la chaîne du froid : il faut créer des modèles innovants avec les entreprises de technologie de la chaîne du froid pour soutenir le développement de l’expertise technique en matière de maintenance au sein des communautés. Les communautés pourraient bénéficier d’un soutien financier du secteur public ou privé pour créer des économies de la chaîne du froid qui favorisent la réparation continue des technologies de la chaîne du froid. 
• Pour éviter la surpêche:
  • Adopter des règlements contraignants pour interdire la surpêche.
  • Réglementer la capacité d’entreposage frigorifique des navires. 
  • Offrir des incitations aux entreprises désireuses de partager des données et de faire preuve de transparence dans le cadre des efforts déployés pour soutenir la pêche durable et réduire la surexploitation des ressources halieutiques. 
• Intégrer les connaissances comportementales dans les politiques et les programmes.
• Approche intelligente face au climat pour le développement de l’infrastructure de la chaîne du froid. Voir Réduire les émissions liées à l’utilisation de l’énergie dans le stockage des denrées alimentaires, la chaîne du froid, le transport et la transformation.

Coûts liés à la mise en œuvre

• Les coûts et les besoins d’investissement varient en fonction de l’intervention et du pays. Pour les séchoirs solaires en Afrique, en Asie et en Europe, les coûts d’investissement estimés vont de 10 euros pour un petit séchoir solaire à 20 000 euros pour un séchoir solaire communautaire intégré et à 100 000 euros pour un séchoir à congélation atmosphérique (AFD), sans compter les coûts de production d’électricité solaire, d’un peu moins de 20 000 euros.

Exemples pratiques d’interventions

• Le ministère sri-lankais de la pêche et la FAO ont lancé une initiative visant à introduire de nouveaux modèles de navires de pêche polyvalents afin d’améliorer la qualité du poisson et de réduire les pertes post-récolte dans le secteur de la pêche. Le premier navire qui a été mis en service en janvier 2023 est un navire pour plusieurs jours qui a été doté d’un système pilote de refroidissement dans les cales à poisson et le stockage, ainsi que d’une installation de stockage du poisson modifiée pour minimiser les dommages physiques causés au poisson en raison de la surcharge. 
• KeepITCool (« KIC »), une entreprise créée en 2020 qui vise à lutter contre les pertes de poisson post-récolte au Kenya, a testé un modèle mixte de conteneurs en tant que service (CaaS) et de logiciels afin de réduire les obstacles à l’accès à la chaîne du froid pour les petits pêcheurs. KIC s’est associée à une association de petits pêcheurs le long du lac Victoria pour fournir une solution intégrée de chaîne du froid, développer une plateforme commerciale en ligne et livrer des produits. KIC publie des rapports qui expliquent comment l’accès à un système de refroidissement hors réseau peut améliorer les résultats financiers et comment répondre aux besoins de stockage frigorifique des consommateurs du premier kilomètre. 39 % des pêcheurs utilisant ces services et produits ont déclaré avoir réduit le gaspillage, et 31 % ont déclaré avoir augmenté leurs revenus.

Références

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