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Vegetables at a market, Nanfangquan village, Jiangsu Province, China.
Gouvernance alimentaire

Interventions qui facilitent la conception, la mise en œuvre et le suivi équitables, cohérents, coordonnés et transparents des mesures relatives au système alimentaire.

Évaluer l’impact des systèmes alimentaires

Vue d’ensemble

Les impacts négatifs interdépendants des systèmes alimentaires sont souvent négligés dans l’élaboration des politiques. Les conséquences qui en découlent sont la dégradation des terres, de l’eau et des écosystèmes, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de biodiversité, la faim, les carences en micronutriments, l’obésité et les maladies liées à l’alimentation, ainsi que les difficultés persistantes auxquelles sont confrontés les agriculteurs du monde entier pour assurer leurs moyens de subsistance. 

Les décideurs politiques manquent souvent l’occasion de concevoir des interventions qui abordent simultanément plusieurs questions liées à l’équité et à la durabilité des systèmes alimentaires. Pour ce faire, les décideurs politiques doivent avoir une compréhension approfondie des coûts et des avantages pour toutes les parties prenantes du système agroalimentaire, y compris pour les groupes sous-représentés et les générations futures. Une telle compréhension favoriserait les investissements et les actions politiques (notamment le soutien fiscal, les réglementations et les normes volontaires) qui donnent la priorité à la nutrition, à l’égalité entre les hommes et les femmes et à la durabilité environnementale. 

La comptabilité des coûts réels (CCR) est une approche puissante pour découvrir les coûts cachés des systèmes agroalimentaires. La CCR est une approche holistique et systémique qui permet de mesurer et d’évaluer les coûts et avantages environnementaux, sociaux, sanitaires et économiques générés par les systèmes agroalimentaires afin d’aider les décideurs politiques, les entreprises, les agriculteurs, les investisseurs et les consommateurs à prendre de meilleures décisions. Cependant, la CCR est un concept large qui peut être appliqué de nombreuses manières différentes. Ses méthodes varient en fonction des ressources, de la disponibilité des données, des capacités et des systèmes d’information d’un pays, ce qui représente un défi de taille, en particulier pour les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Mesures concrètes à mettre en œuvre

Il existe actuellement plusieurs méthodologies, cadres et outils pour fournir une base à la gouvernance du système alimentaire et informer l’élaboration de politiques holistiques. Par exemple, la FAO propose une évaluation en deux phases utilisant la CCR pour aider les décideurs à comprendre les systèmes agroalimentaires actuels et futurs et les domaines d’intervention afin d’améliorer leur durabilité : 

  • Phase 1 : évaluation initiale au niveau national pour quantifier et analyser les impacts et les coûts cachés des systèmes agroalimentaires. L’objectif principal de la phase initiale est de sensibiliser aux défis importants qui accompagnent les systèmes agroalimentaires nationaux. Elle vise à relier ces coûts cachés à des priorités nationales essentielles, comme la réduction de la faim ou la conservation de ressources naturelles limitées. En outre, elle a pour but d’alimenter les discussions et les dialogues avec les parties prenantes dans le pays concerné. Bien qu’il ne fournisse qu’une image partielle, cet exercice d’inventaire est un point de départ crucial pour relever certains des défis les plus importants des systèmes agroalimentaires nationaux.
  • Phase 2 : évaluations ciblées approfondies de composantes, de chaînes de valeur ou de secteurs spécifiques des systèmes agroalimentaires. Le but de cette phase est d’orienter les actions politiques et les investissements dans un pays donné. Les objectifs peuvent être définis sur la base des résultats de la première phase ou guidés par les priorités du pays à l’issue de consultations avec les parties prenantes concernées. Pour réaliser une évaluation ciblée, il est essentiel de définir efficacement la portée de l’analyse, en veillant à ce qu’elle reste gérable tout en atteignant ses objectifs. Cela commence par la sélection de l’unité fonctionnelle d’analyse, qui détermine ce qui sera évalué et mesuré (par exemple les systèmes agroalimentaires, les habitudes alimentaires, l’investissement, l’organisation et le produit). Le processus d’évaluation ciblée est organisé en quatre étapes: 
    1. Définir les questions : la première étape consiste à examiner les résultats des évaluations initiales au niveau national de la phase 1. Cela permet d’identifier et de cibler les principaux problèmes de durabilité.  
    2. Documenter et analyser les données disponibles : la deuxième étape se concentre sur la collecte et l’analyse des données disponibles au niveau national ou infranational sur les questions clés de durabilité afin de compléter les estimations de la phase 1. Les données peuvent provenir d’institutions internationales, comme l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), la FAO, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Banque mondiale, ou d’entités locales comme les ministères de l’Agriculture, de l’Environnement et de la Santé. En raison de la diversité des systèmes agroalimentaires et de leurs contextes au sein des pays, l’échelle nationale peut s’avérer être une unité analytique imparfaite pour des actions efficaces. Ainsi, en fonction des données et des ressources disponibles, les données nationales devront être complétées par des analyses spatiales, qui permettront de saisir l’hétérogénéité des principaux impacts et moteurs des systèmes agroalimentaires au niveau infranational.
    3. Évaluer les leviers : la troisième étape consiste à identifier les leviers potentiels pour résoudre les principaux problèmes de durabilité liés aux systèmes agroalimentaires. Ces leviers peuvent concerner l’offre (c’est-à-dire la production et les intermédiaires), la demande (c’est-à-dire la consommation alimentaire) et les biens publics qui soutiennent les systèmes agroalimentaires (c’est-à-dire les services généraux). Après avoir recueilli et analysé des données sur le coût des différents leviers et estimé leurs avantages, on pourra comparer ces leviers, par exemple au moyen d’analyses coût-bénéfice ou coût-efficacité. Ensuite, on pourra décider des leviers à utiliser. Pour être efficace, le processus doit être inclusif et permettre le dialogue et la collaboration entre toutes les parties prenantes des systèmes agroalimentaires, y compris les décideurs politiques, les entités du secteur privé et les autorités locales.
    4. Employer des leviers et échelonner la CCR : La quatrième étape implique deux processus parallèles, mais liés : (i) la mise en œuvre et la promotion des leviers de réforme des politiques, des investissements et d’autres interventions pour répondre aux préoccupations identifiées dans les étapes précédentes ; et (ii) l’intensification des évaluations ciblées de la CCR pour permettre le suivi des réformes et l’extension des évaluations de la CCR à de nouveaux domaines. Le processus d’évaluation ciblée est cyclique, de sorte que l’extension de la CCR ne doit pas être considérée comme l’objectif final, mais comme le début d’un nouveau cycle de mesure et d’évaluation visant à garantir des résultats positifs continus.  

Mesures de gouvernance

  • Encourager les acteurs du secteur agricole à améliorer la transparence sur les coûts réels (c’est-à-dire les externalités) de la production alimentaire et des chaînes d’approvisionnement.
  • Intégrer les évaluations des systèmes alimentaires dans les systèmes éducatifs et dans la formation des professionnels du secteur public, notamment en fournissant des outils et des compétences concrets pour la réalisation des évaluations.
  • Mettre en place des organismes gouvernementaux interministériels chargés d’évaluer et de mettre en œuvre les politiques concernant les systèmes alimentaires : en effet, ceux-ci s’étendent sur un grand nombre d’agences, de départements et de ministères.  Les organismes interdépartementaux peuvent faciliter la collaboration entre eux.
  • Exiger de toutes les agences et de tous les services gouvernementaux qu’ils évaluent les coûts non marchands associés aux politiques et aux programmes.
  • Intégrer l’utilisation des informations issues des évaluations dans les règles d’étiquetage des produits. Pour plus d’informations sur les mesures possibles en matière d’étiquetage des produits agroalimentaires, voir Réglementer la publicité pour les aliments malsains et non durables
  • Appliquer la pensée paysagère intégrée pour favoriser les partenariats par le biais d’initiatives novatrices comme la coopération urbaine-rurale ou les organisations environnementales et les réseaux d’apprentissage des agriculteurs. Voir Développer et améliorer l’agriculture dans les zones urbaines et périurbaines et renforcer les marchés alimentaires locaux.
  • Promouvoir la recherche-action entre pairs par le biais d’applications participatives et pratiques.

Outils et systèmes MRV pour suivre les progrès

Avantages en matière d’atténuation

L’intégration de l’évaluation des systèmes alimentaires dans la formation, la planification et le fonctionnement général des agences gouvernementales peut se traduire par les résultats suivants:

  • Sensibilisation et prise en compte accrues des coûts/impacts des opérations et politiques gouvernementales sur les systèmes alimentaires.
  • Les politiques publiques s’orientent vers le soutien de solutions agroalimentaires durables, équitables et transformatrices.
  • Les évaluations des systèmes alimentaires permettent d’identifier les impacts des systèmes alimentaires sur le climat et les possibilités de réduire les émissions de gaz à effet de serre des systèmes alimentaires. 

Autres avantages environnementaux

Si l’application des évaluations des systèmes alimentaires conduit à une réorientation des politiques publiques vers des solutions agroalimentaires durables et transformatrices, elles peuvent en fin de compte contribuer à des avantages climatiques allant au-delà de l’atténuation du changement climatique, qui peuvent potentiellement être les suivants:

  • Réduction des émissions dues à la diminution du changement d’affectation des terres et de la dégradation des sols.
  • Réduction potentielle de l’utilisation d’eau, d’énergie et d’autres intrants agricoles grâce à la diminution de la production d’aliments peu durables.
    • Baisse du risque d’eutrophisation. L’eutrophisation est le processus par lequel les systèmes aquatiques s’enrichissent en nutriments comme l’azote et le phosphore en raison du ruissellement des intrants agricoles (par exemple les engrais dans les systèmes aquatiques). Plusieurs types d’émissions sont associés à l’eutrophisation, notamment la pollution de l’air (dioxyde de soufre et oxydes d’azote) et la pollution de l’eau (nitrates, ammonium, azote et phosphore).
    • Réduction de l’acidification grâce à la diminution des intrants associés à la production agricole (par exemple les engrais et les pesticides). Les types d’émissions associés à l’acidification sont entre autres le dioxyde de soufre, l’ammoniac et les oxydes nitreux. 
    • Amélioration de la santé des sols.
    • La réduction de l’utilisation d’engrais et de sources d’énergie fossile améliore la qualité de l’air.  

Avantages en termes d’adaptation

Un changement de paradigme potentiel éclairé par l’intégration des évaluations des systèmes alimentaires peut apporter de multiples avantages en matière d’adaptation. Voir les autres options politiques dans cet outil.

Autres avantages en termes de développement durable

  • Les systèmes alimentaires sont pertinents pour tous les ODD et sont au cœur d’au moins douze des dix-sept ODD.

Principales difficultés liées à la mise en œuvre

  • Le manque de données fiables et complètes peut entraîner de grandes incertitudes et des résultats peu fiables.
  • Absence de consensus scientifique sur les questions ou les processus liés aux systèmes alimentaires.
  • Difficulté à trouver un équilibre entre des modèles trop simplistes qui ne rendent pas bien compte des processus du monde réel ou des conditions locales, et des modèles trop détaillés/localisés qui peuvent être difficiles à interpréter et peu pratiques pour générer des résultats politiques concrets et applicables à grande échelle. 
  • Manque de capacités, de fonds et/ou de temps.

Mesures visant à minimiser les défis

  • Les incertitudes dues au manque de données, au consensus scientifique ou à d’autres facteurs peuvent être reformulées en termes de niveaux de confiance ou de risques possibles, sur la base d’un jugement d’expert. Par exemple, la méthodologie du GIEC fournit des niveaux de confiance aux déclarations sur la base du taux de robustesse et de consensus scientifique. En outre, on peut remédier aux incertitudes en comparant les résultats de différentes évaluations et méthodologies/outils d’évaluation afin de parvenir à des conclusions plus solides.
  • Les modèles doivent présenter un niveau de complexité approprié et être transparents quant à leur champ d’application, leurs frontières et leurs limites. Le niveau de complexité peut varier en fonction du problème traité et des données disponibles.
  • Établir des partenariats, en particulier entre les institutions des pays à faible revenu et celles des pays à revenu élevé, afin de renforcer les capacités et l’expertise nécessaires à la réalisation des évaluations et à la mise en œuvre des recommandations politiques qui en découlent.
  • Certains aspects de l’évaluation, comme les entretiens avec les experts et l’engagement des parties prenantes, peuvent être menés virtuellement afin de gagner du temps et de l’argent. Dans ce cas, il est important de procéder à une facilitation en ligne adéquate, afin que tous les participants puissent s’engager et exprimer leurs idées.

Externalités négatives potentielles et compromis

Non trouvé. 

Mesures visant à remédier aux externalités négatives potentielles et aux compromis

Non trouvé. 

Coûts liés à la mise en œuvre

  • Il n’existe aucune estimation publique du coût de l’application des différents outils et méthodes d’évaluation des systèmes alimentaires. 

Exemples pratiques d’interventions

  • TEEBAgrifood fournit des exemples de cas concrets passés et en cours concernant la mise en œuvre d’un cadre d’évaluation dans plusieurs pays. Plusieurs pays ont utilisé ce cadre pour appliquer la CCR et élaborer de meilleures politiques d’utilisation des terres agricoles. Par exemple :
    • Le ministère de l’Environnement et des Forêts et le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche au Kenya ont utilisé ce cadre pour évaluer les impacts environnementaux, sociaux et économiques, tout au long de la chaîne de valeur, de l’utilisation traditionnelle des forêts et des systèmes alimentaires dans le bassin hydrographique du Grand Mau. L’évaluation éclairera les politiques comme l’agenda du pays pour 2030 en fournissant des preuves quantitatives de la biodiversité et des services écosystémiques de la zone et des avantages potentiels de l’adoption de différents scénarios par rapport au scénario de maintien du statu quo. 
    • Le ministère de la Planification du développement national (BAPPENAS) en Indonésie a supervisé une CCR afin d’informer sa politique agroforestière pour le cacao et de renforcer ses politiques générales pour internaliser les coûts et les bénéfices du capital naturel. Les résultats intermédiaires ont contribué à l’inclusion de l’agroforesterie dans le plan de développement national de l’Indonésie.
  • La méthodologie iFEED a été appliquée pour générer des conseils politiques au niveau national et des scénarios futurs pour quatre pays (Zambie, Afrique du Sud, Malawi et Tanzanie). 

Références

  1. Chaudhary, A., Gustafson, D., & Mathys, A. (2018). Multi-indicator sustainability assessment of global food systems. Nature Communications9(1), 1–13
  2. Country Implementation. (n.d.). The Economics of Ecosystems and Biodiversity. Consulté le 14 février 2024 sur https://teebweb.org/our-work/agrifood/country-implementation/
  3. Hendriks, S., de Groot Ruiz, A., Acosta, M. H., Baumers, H., Galgani, P., Mason-D’Croz, D., et al. (2023). The True Cost of Food: A Preliminary Assessment. In Science and Innovations for Food Systems Transformation (pp. 581–601). Consulté le 14 février 2024 sur https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15703-5_32
  4. iFEED Results. (n.d.). Consulté le 14 février 2024 sur https://ifeed.leeds.ac.uk/countries.
  5. Indonesia. (n.d.). The Economics of Ecosystems and Biodiversity. Consulté le 14 février 2024 sur https://teebweb.org/our-work/agrifood/country-implementation/eupi2019/indonesia/
  6. Sustainable Food Trust. (2019). The Hidden Cost of UK Food. Consulté sur https://sustainablefoodtrust.org/wp-content/uploads/2022/01/Website-Version-The-Hidden-Cost-of-UK-Food_compressed.pdf
  7. The State of Food and Agriculture 2023. (2023). Consulté le 14 février 2024 sur https://www.fao.org/documents/card/en/c/cc7724en
  8. Traditional use of forests and food systems in the Greater Mau Catchment Area, Kenya. (n.d.). The Economics of Ecosystems and Biodiversity. Consulté le 14 février 2024 sur https://teebweb.org/our-work/agrifood/country-implementation/iki2017/kenya/
  9. WWF UK. (2021). Driven to waste: The Global Impact of Food Loss and Waste on Farms. Consulté sur https://files.worldwildlife.org/wwfcmsprod/files/Publication/file/6yoepbekgh_wwf_uk__driven_to_waste___the_global_impact_of_food_loss_and_waste_on_farms.pdf